La Boule Intégrale

 

 

Lyon Monplaisir 

 

 

4/2008

                                   

   Ancienne usine de la Boule Intégrale au 94 de la route d'Heyrieux
   (actuelle rue Marius Berliet)

   Par Jacques Navrot.
   Remise à jour et adaptation  Maurice Charras

                                                                        

                    LE JEU DE BOULES

 

"Au commencement, Dieu créa la terre et lui donna la forme d'une boule. Sans doute pour inviter les hommes à y jouer. Ce qu'ils ne man­queront pas de faire lorsque, s'étant rendus maîtres de la matière, ils réussiront à fabriquer des sphères de pierre, ancêtres des boules actuelles." écrivit en janvier 1970, Etienne Berthollet, ancien P. D.G. de La Boule Intégrale et gendre de son inventeur, Paul Courtieu dont nous reparlerons...

C'est aux Phéniciens, semble-t-il, qu'on doit l'invention de ce noble jeu. Les Romains, toujours avides de nouveautés, l'introduisirent jusqu'à Lugdunum où, entre Saône et Rhône, les fiers Gaulois se mirent à rouler des boules...  en bois.

La fabrication de ces boules, plus légères que celles en pierre, n'était pas mince besogne. Il fallait arracher de la montagne des arbres plusieurs fois centenaires, dégager leurs racines de la terre, façonner des ébauches qui après lente dessiccation (pour éviter les fentes) trouvaient leur forme définitive dans les mains d'un habile tourneur. L’œuvre était parachevée par un cloutage minutieux.

On trouve encore dans certains clos, particulièrement à la campagne, de vieilles boules cloutées. Elles ont résisté à la chaleur, à la pluie, au gel. Saluons au passage les artisans qui, souvent avec des moyens rudimentaires, ont réalisé ces merveilleuses boules du temps passé !

Mais le nombre des boulistes s'accrut d'une façon telle que la nature ne put suffire seule aux besoins de tous.

 

LA BOULE INTÉGRALE

 

 

                                                    P   Paul Courtieu, inventeur de la Boule Intégrale raconte: "Dès 1923, le jeu de pétanque, (jeu provençal) comme le jeu lyonnais ne progressait plus en raison des difficultés de se procurer en quantité et qualité nécessaire le buis et ses racines aptes à recevoir les divers cloutages habituels..." II était de plus en plus difficile à trouver ce bois qui devait sécher trois ans au minimum avant d'être tourné.

Vers 1920, Paul Courtieu, né à Villeurbanne en 1890, donc âgé de trente ans, eut avec Vincent Mille, son ami et compagnon de travail et de plus champion bouliste lyonnais, l'idée de fabriquer une boule entièrement métallique.

Paul Courtieu qui travaillait de jour aux usines Berliet de Vénissieux comme chef du service des meules, passait une partie de ses nuits dans son laboratoire pour trouver l'alliage métallique le mieux adapté à la fabrication des boules en s'inspirant des travaux des fondeurs de boulets à charge creuse... (II s'était intéressé, un temps, à des problèmes de fonderie liés à la fabrication de menottes pour la police)

Les deux ingénieurs abandonnèrent d'emblée l'acier (trop dur et qui rouille) pour un alliage à base d'aluminium (leur contemporain puisque né trente ans plutôt) et de plus inoxydable. Mais le bronze d'aluminium était alors trop mou, trop fragile pour supporter les chocs du jeu de boules. II fallut deux ans pour mettre au point un alliage de métaux non ferreux dont le brevet fut déposé en 1923 pour une boule métallique en alliage léger faite de deux hémisphères soudés. Un an après, en 1924, un deuxième brevet fut déposé pour la Boule Intégrale fondue en une seule pièce ainsi que la marque appelée à la célébrité.

A l'origine et par nécessité économique, toutes les machines et l’ou­tillage furent conçus et réalisés par Paul Courtieu qui créa dans une ancienne remise de la route d'Heyrieux à Lyon au 94 (n° 96 de l'actuelle rue Marius Berliet) son premier atelier. La société industrielle nouvelle de "La Boule intégrale" fut placée sous l'appellation "Mille, Courtieu et Bataille" en 1926 puis "Courtieu, Bataille et Delaigue" en 1930... Par la suite, ses co-actionnaires s’étant retirés de la société, P. Courtieu devint le seul actionnaire de la Boule Intégrale.

Cette technique révolutionnaire provoqua du mécontentement chez les fabricants de boules en bois cloutées, utilisées dans tous les jeux de boules de cette époque et qui s'équilibraient moins facilement que les boules métalliques. II fallut encore deux ans pour que la Boule Intégrale fut admise par l'Union Nationale des Fédérations de Boules, ancêtre de la Fédération française de Boules. Le nouvel associé, Auguste Bataille, fils de l'ancien adjoint au Maire de Lyon usa de toute sa persuasion pour arriver à cet agrément. Dès 1925, la Boule Intégrale équipait les joueurs des championnats officiels.

Après avoir fêté ses noces d'or avec Madame Courtieu en 1969, Paul Courtieu décéda le 2 février 1972. "Malgré son succès, il était resté d'une rare modestie, fuyant les honneurs, ne songeant qu'à son travail dans lequel il se voulait un ouvrier au sens noble qu'il donnait à ce mot" écrivit Le Progrès du 25/12/72.
    N'oublions pas que madame Courtieu fut sa fidèle collaboratrice pour toute la gestion de la société

 

 

 

        Boules bronze

SECRETS DE FABRICATION

Tout commence par un noyau de sable, composé de 2 demies coquilles sphériques placées dans un moule métallique en 2 parties. Le métal en fusion à 1300 degrés, un alliage de cuivre, d'aluminium et autres métaux nobles (C'est là un des secrets de fabrication)  est coulé pour remplir la cavité entre noyau et le moule pour donner une boule de métal avec un vide occupé par le sable qui s’est désagrégé lentement au cours de la coulée. On obtiendra ainsi une boule creuse qui pleine aurait pesée de 6 à 7 kilos. La boule obtenue est alors vidé de son sable  avec deux trous à ses pôles qui seront ensuite  filetés pour y visser des bouchons. La partie moulage est maintenant sous-traitée

Si les boules doivent être des « racleuses » c’est à dire ne pas rebondir en touchant le sol lors d’un tir, elles sont remplies d’un savant mélange de caoutchouc, de plastique et parties métalliques pour obtenir le rebond souhaité

L’ébauche de la boule passe au tournage . Pour  l'équilibrage, la boule est placée dans un bac contenant du mercure sur lequel elle flotte comme un ludion, la partie la plus lourde (le balourd) basculant vers le bas.  Le sommet de la boule est alors marqué pour usiner la partie opposée. Par passes successives, on élimine le balourd pour obtenir un équilibrage parfait garantissant une trajectoire rectiligne. Le mercure étant très toxique , il est recouvert d’un liquide spécial qui isole la boule du contact du mercure et par conséquent l’opérateur. Ce procédé est toujours utilisé à ce jour.
     Ce travail terminé, chaque boule est pesée au gramme près pour constituer des paires, des jeux de trois ou
quatre boules sur lesquelles on gravera le striage choisi par le client parmi les soixante modèles du catalogue. Le polissage intervenant après le striage.
      Le poids réglementaire est compris entre 700 et 1.300 grammes et le diamètre entre 90 et 110 millimètres. La dureté du métal doit se situer entre 35 et 70 unités Rockwell d'après la réglementation de la Fédération Internationale.

 

BOULES DE PETANQUE

 

Etienne Bertholet pensa aussi  à diversifier la classique boule Intégrale en développant une chaîne de fabrication de boules de pétanque en acier nettement moins chères que les boules en bronze. Il en automatisa la fabrication en partant de l’emboutissage en demi-sphère de flancs circulaires de qualité XC35 qui étaient ensuite dégauchies et usinées par le dressage du bord avec réalisation d’une gorge en demi U pour faciliter la soudure. Pour éviter l’opération d’équilibrage chaque demi-sphère usinée, était pesée et appariée avec une autre de même poids. La soudure automatique était réalisée sous atmosphère contrôlée. Un dernier usinage enlevait toute trace de soudure et le striage venait  terminer la boule  qui devait être alors trempée sous atmosphère contrôlée pour éviter l’oxydation. Cette fabrication des boules en acier (pétanque) fut cédée en 1960. Aujourd’hui les boules de pétanques acier sont sous-traitées, suivant des spécifications très précises et les boules de pétanque en bronze sont fabriquées à la Boule Intégrale.

LA BOULE INTÉGRALE ET L' ESSOR DU BOULISME

 

Paul Courtieu, expliquait en 1968 : "Dès sa parution sur le marché, cette création fut accueillie avec joie par les boulistes qui lui ont trouvé toutes les qualités requises pour le jeu provençal ou national. Il devenait possible pour chaque joueur de choisir le poids de ses boules quel que soit le diamètre compris dans les dimensions admises par les Fédérations existantes. Il fut constaté par les dirigeants de ces Fédérations que les boules intégrales ne pouvaient détériorer les boules cloutées, le métal étant de part et d'autre d'une dureté équivalente et que leur utilisation ne posait aucun problème. Cette constatation a conduit l'Union des Fédérations Boulistes à admettre lors de son congrès annuel de janvier 1925 la Boule Intégrale dans tous les concours officiels. Les différents comités de pétanque furent heureux de voir que grâce à la Boule Intégrale un engouement extraordinaire s'établit et qu'en peu de temps une multitude de nouveaux pétanqueurs se révélèrent. Un grand nombre de sociétés se fondèrent. La progression rapide de ce jeu parti de la Provence, de Marseille en particulier, gagna rapidement la France entière. »

 

CONCLUSION

Jusqu'à la dernière guerre, la Boule Intégrale fut la première fabrique dans le monde des boules métalliques. Le mot Intégrale est d'ailleurs devenu commun et prendre ses "intégrales" est synonyme de prendre ses boules.
 La Boule Intégrale ,sous la direction de Paul Courtieu, puis de son gendre Etienne Bertholet, n'a cessé de produire et d'innover dans le domaine de la pétanque dite la "petite boule" et du sport boule (la "Lyonnaise") 150.000 boules furent fabriquées en 1981 et expédiées dans le monde entier.

    Restée entreprise familiale de 1923 à 1981, elle fut vendue à la société Florence et Peillon qui la céda en 2003 à un groupe d’investisseurs (RBC, ALAE…) En 2005 la Boule Intégrale quitta le 96 de l’avenue Marius Berliet pour le 200 de l ‘avenue Léon Blum à Villeurbanne.. Mr Couble en est le directeur. Aujourd’hui le sport bouliste souffre d’une certaine désaffection de la jeunesse due en partie à la disparition des clos à cause de la pression immobilière et aussi à la concurrence d’autres activités ludiques.

BIBLIOGRAPHIE

Article paru dans la revue Rive Gauche n° 162 de septembre 2002
Dossier de Madame Couble à l'Atelier du Patrimoine de la MJC de Monplaisir.
Origines et Histoire de la boule métallique par Paul Courtieu (1945)
Petite histoire de la grosse boule par Etienne Berthollet dans Le Bouliste de janvier 1970.
Les Intégrales qui ont conquis Lyon et franchi la frontière par Chartes Ducarre dans Reflets de la Vie lyonnaise n° 277 du 18/11/71.
 Les Boules de Pentecôte par Maurice Valla dans Le Progrès du 21/5/72.
Boule intégrale et boulistes dans Le Bouliste n° 95 d'août
  1975

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